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Quel sujet plus mouvant à saisir qu’un nuage, par la peinture ou la photographie ? Peintres et photographes n’ont pourtant pas cessé d’essayer. A partir des ciels normands d’Eugène Boudin (mais on aurait pu aussi partir de ceux de Constable auquel est consacré un très beau texte de Jacques Roubaud enfin réédité aux éditions Argol - Ciel et terre et ciel et terre, et ciel) le musée André Malraux du Havre nous offre, avec la complicité du FRAC Haute Normandie, un large éventail représentatif de la forme des nuages de 1850 à nos jours. 200 oeuvres, 83 artistes : de quoi regarder le ciel changeant sous toutes ses coutures.

Le catalogue qui accompagne cette exposition a du corps, du sérieux et de la poésie (c’est une citation de Baudelaire qui lui donne son titre), et la beauté de ces vapeurs météorologiques, fixées ici sur les pages : ciels en noir et blanc et en couleurs, ciels de Paris de Charles Marville, série Equivalent de Joseph Stieglitz - car le nuage appelle la série et peut-être aussi l’abstraction -, photos scientifiques de la NASA, mises en scène de Pierre et Gilles, rêveries nocturnes de Gregory Crewdson, nuages animaux de Vik Muniz, nuages comme des cheveux de Nan Goldin, vapeurs du Stromboli par Mimmo Jodice... impossible de les citer tous. Ils se répondent y compris dans leur différence, chacun contribuant à sa façon à l’entreprise décorative, romantique, métaphysique... et surtout infinie, de représentation des nuages.


22,00

Le quotidien d’un homme de théâtre pendant un an, banal et passionnant à la fois.
On est bouleversé par les journées ordinaires de Lars Norén qui nous décrit des choses minutieuses : ce qu’il mange, ce qu’il achète... On suit comme dans un polar les affres de la création : la douleur d’écrire parfois, la difficulté de mettre en scène, les tourments amoureux (sciemment compris dans l’univers de création)... et le bonheur que cela comporte aussi. Merci !

A voir aussi :
Un article du Monde sur le livre ; une fiche consacrée à l’auteur sur le site Théâtre contemporain ; et le site de l’éditeur L’Arche.


Banning Jan

Nazraeli press

Jan Banning propose avec ce livre, préfacé par Martin Parr, un voyage photographique, et même voyage tout court, à travers des bureaux du monde entier et le portrait de leurs occupants. La Bolivie, les Etats-Unis, la France, la Russie, l’Inde, le Yémen, le Libéria et la Chine sont ainsi visités et regardés par ce biais. Et c’est remarquablement instructif.

Jan Banning cadre toujours à peu près de la même manière : de face, et en englobant à la fois la personne et son environnement (ici plusieurs exemples) : objets, mobilier, archives, gris-gris personnels, insignes et drapeaux, trophées, photographies.... Tout un bric à brac, différent selon les personnes et les pays (et parfois, comme au Yémen, il n’y a quasi rien) et tout à fait symptomatique.

C’est à la fois un reportage documentaire et social (à la fin on trouve un petit mémento des conditions de vie de chacun, en particulier les salaires), formel (par les choix esthétiques, le rendu des couleurs et la profondeur de champ) et profondément humaniste (si l’on rit parfois, ce n’est jamais aux dépens du sujet photographié). Jan Banning nous touche, tout simplement , et nous fait réfléchir, tout en nous donnant un grand plaisir esthétique.

A découvrir.


Les collages originaux

Gallimard

Pour la première fois en édition française depuis 1978, dans son intégralité et avec une qualité de reproduction d’une grande beauté, voici l’ensemble de collages que Max Ernst composa en 1933. Cette publication accompagne, et inversement, l’ exposition au Musée d’Orsay, une première depuis 1936. Un événement.

Les 184 collages qui composent un "roman" sont répartis en 7 jours, en commençant par le dimanche ; une sorte de genèse biblique, en somme, mais à la façon surréaliste. A chaque jour est associée une couleur, un élément (la boue, le sang, le feu...) et, souvent, un exemple ("La cour du dragon", "L’île de Pâques"...). Le matériau de l’artiste est tiré de gravures populaires - et démodées à son époque - du XIXe siècle. Mais l’inspiration feuilletonnesque (fantômes et femmes pâmées, monstres et curés) n’est pas tout. Il est bien entendu que la compréhension d’un collage ne saurait se déduire de l’origine des éléments qui le composent. Non plus que les techniques utilisées : recouvrements, rapprochements hardis, renversements des figures, grattage, passages de certaines parties au blanc, retravail au crayon... L’image créée est inédite, un monde en soi. L’homogénéité des gravures originales (des gravures sur bois surtout) facilite la création de cette nouvelle image, effaçant les frontières entre les morceaux collés. C’est à une étonnement constant auquel nous convie Max Ernst, à entrer dans un monde qui tient à la fois du fantastique et de la poésie, figurant le désir et le pouvoir, renversant les valeurs établies.

Comme la reproduction des collages (à taille réelle), l’appareil critique est parfait ; Werner Spies, spécialiste de Max Ernst, en est le maître d’oeuvre ; et c’est à son texte, et à celui des autres rédacteurs, qu’il faut se remettre afin d’approcher cette oeuvre magistrale. Mais on peut aussi se laisser porter, au gré des images, en feuilletant ce roman à nul autre pareil, qui est aussi un film, surréaliste bien sûr.


Sur la couverture du livre, un disque blanc, autour duquel le noir se déploie en touches irrégulières, aspire le regard du spectateur : c’est The void (le vide), une oeuvre du peintre américain Barnett Newman. Un peu emblématique de l’exposition, dont le titre — et celui du livre — sont tirés d’une interview du même peintre. A la table rase de la fin de la guerre répond un nouveau geste pictural, une nouvelle pensée de l’art. Le propos est bien d’explorer cette période de changement radical.

Une fois le contexte historique situé — commençant avec l’explosion des deux bombes atomiques au Japon et de la découverte des camps de concentration et d’extermination, et se terminant avec le début de la Guerre froide — les oeuvres sont présentées autour de grandes notions qui permettent d’explorer en quoi les artistes, peintres, sculpteurs, et même certains photographes, « repartent à zéro » : Témoigner — Expérimenter — Balbutier — Tracer — Remplir — Vider. Dans un moment sombre et invitant au pessimisme, un foisonnement se fait jour qui laisse la place essentiellement à des démarches singulières.

L’abstraction surtout est représentée, mais aussi le retour à une sorte de figuration « primitive » (avec le mouvement CoBrA et Dubuffet, ou encore les sculptures de Germaine Richier par exemple) ; le geste du peintre prend toute son ampleur, sa valeur en tant que tel (mis en évidence avec des films où l’ont voit Jackson Pollock ou Hans Hartung au travail). Chacun tente de réinventer le langage de la peinture, à sa façon, avec une pensée, une philosophie différentes : de la Pologne à l’Espagne, de la France aux Etats-Unis, du Québec à l’Allemagne, le panorama confronte des oeuvres de peintres illustres (comme Mark Rothko, Pierre Soulages, Antoni Tàpies) et de moins connus, qui se complètent et invitent à la (re)découverte.

La structure limpide du catalogue, son iconographie très belle et riche, ses textes choisis, l’anthologie centrale conscarée aux textes des artistes, permettent de mieux saisir la révolution à l’oeuvre dans cette période-clé, et dont l’influence se prolonge aujourd’hui.

Sans nul doute, un ouvrage amené à devenir une référence.

Voici en complément le site de l’exposition.

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