Magazine Zadig, 1, Réparer la France

Eric Fottorino, Leïla Slimani, Mona Ozouf, Léonor de Récondo, Arthur Frayer-Laleix, Pierre Rosanvallon, Christian Bobin, Maylis de Kerangal, OrelSan, Patrick Boucheron, Marie DARRIEUSSECQ, Estelle-Sarah Bulle, Régis Jauffret, William Boyd, Marie Despl...

Zadig

  • Conseillé par (Libraire)
    10 avril 2019

    UN MAGAZINE POUR VOIR LA FRANCE AUTREMENT

    La création d’un titre dans la presse écrite est toujours une aventure. Avec le premier numéro de Zadig, Eric Fottorino, nous offre une revue qui se veut différente en se dégageant de l’actualité pour décrire « une » France dont on dit qu’elle est oubliée. Indispensable.

    « Parler des invisibles, c’est aller à la rencontre de vies qui ne sont pas assez racontées. On part de trajectoires singulières pour faire comprendre des réalités sociales plus larges, mais restées dans l’ombre. Cela participe d’un projet de représentation démocratique ». Ces propos sont ceux de l’historien Pierre Ronsanvallon dans la remarquable interview que lui consacre le premier numéro de « Zadig ». Lassé de voir le mot « peuple » approprié par des partis politiques, sans lui donner du contenu, le sociologue estime qu’il est essentiel de faire entendre la voix de ceux qu’il appelle les « invisibles ». Cette volonté, c’est Eric Fottorino qui la reprend à son compte avec ce nouveau trimestriel qui porte le titre ambitieux de « Réparer la France ».

    C’est bien de cela qu’il s’agit en effet, cette volonté de donner leur juste place aux absents des média notamment. Alors en lisant ce numéro, on n’est pas surpris de découvrir la place importante accordée aux portraits et aux métiers de ces oubliés. Jean Marie et Serge sont pêcheurs au Guilvinec, Carole est infirmière à Audresselles, et des journalistes les ont accompagnés pendant trois ou quatre jours dans leur quotidien. Eux, mais aussi leurs patients, leurs collègues apportant dans leur témoignage la réalité d’une vie sociale méconnue.

    « Des mots porteurs comme des murs porteurs » c’est ce que croit le directeur de publication. L'écrit permet de prendre le recul et si les écrivains ont toute leur place, Maylis de Kérangal nous parle du Havre par exemple, les lieux ne sont pas oubliés visant à dresser un état des territoires comme cet édifiant reportage du côté de Vesoul où le traffic de stupéfiants bat son plein, loin des idées reçues d’une campagne à l’abri des turpitudes de la ville. Tout n’est pas noir et Zadig dresse certes un portrait sombre, mais décrit aussi des domaines d’espoir, de réussite, des pistes pour accompagner des transformations sociales et économiques inéluctables.
    Il ne part pas de rien ce « mook » (contraction de M comme magazine et ook comme book), il s’appuie sur la réussite de « America » créé par Fottorino, déjà, avec François Busnel, après l’élection de Trump et qui a comme ambition de mieux comprendre les Etats Unis par le truchement de rencontres d’écrivains, de la littérature. Les lecteurs d’America se retrouveront donc en territoire connu avec une présentation, format, maquette, tellement proche et aussi soignée. Pas de publicités, l’utilisation importante et réussie de dessins, de schémas, de graphiques explicites, prix de vente identique, prolongent l’expérience d’America qui publie son neuvième opus. rédactionnel comparable.

    America arrêtera sa parution avec la fin du mandat de Trump. Rien de cela n’est prévu avec Zadig et les premiers résultats de la vente de ce numéro un laissent supposer que le trimestriel débute une longue et passionnante aventure.