Trois Vies de saints, récits

Eduardo Mendoza

Seuil

  • Conseillé par
    16 juillet 2014

    Trois vies de faussaires

    Dans son dernier ouvrage - remarquablement traduit par François Maspero - Eduardo Mendoza brosse le portrait de trois anti-héros en quête de rédemption.

    Surnommé "Monseigneur baleine", Fulgencio Putucas n'est pas celui que l'on croit. Débarrassé de ses oripeaux, l'évèque se révèle être "un homme négligent, stupide et ivrogne" (p. 84). Il n'en est pas moins lucide, comparant son sort à celui d'une baleine exhibée sur les Ramblas de Barcelone : "Fulgencio, tu as là une compagne de misère : hors de son élément, exposée aux affronts du public pour quelques pièces de monnaie" (p.95). Dans une ultime note l'évèque de Quahuicha rapporte : "Moby Dick, la baleine géante, est venue à Barcelone pour la confusion des méchants et l'édification des bons, et hier elle est partie au Diable et moi avec..."

    - A la recherche du sens de son existence, Dubslav part lui-aussi au Diable, après avoir été un temps suspendu entre la vie et la mort. "Je suis un homme absurde. J'ai été conçu de façon absurde et toute ma vie a été consacrée à développer et à perfectionner cette absurdité" (p.161). La "fin de Dubslav" - titre de ce second récit - sera à l'image de son existence.

    - La seconde partie de la vie d'Antolin Cabrales Pellejero aurait pu être plus heureuse que la première. Mais cet ancien délinquant devenu auteur à succès après avoir suivi en prison un cours de création et d'analyse littéraire a le sentiment d'être un imposteur : "Je suis toujours le même couillon qu'avant et (...) mon succès est dû à un malentendu. Les lecteurs croient lire des histoires mouvementées, chargées de signification et ils ne lisent que des artifices" (p.201).

    En proie au démon du doute, ces trois hommes "s'ils ne sont pas des saints, n'en sont pas pour autant foncièrement mauvais" relativise Edouardo Mendoza dans son prologue. Au final, ces "faux saints ne sont pas tellement différents des vrais" (p. 10). Ils se révèlent surtout terriblement humains et par là même bien plus attachants. Ces " Trois vies de saints" n'en sont pas mais le lecteur n'y perdra pas au change.