• Conseillé par (Libraire)
    14 octobre 2014

    Magique et inattendu

    Après "L'Homme qui savait la langue des serpents" (Prix de l'Imaginaire 2014), Andrus Kivirähk revient en Estonie pour un voyage surprenant dans un village reculé. On y croisera le Diable, appelé ici Vieux-Païen, des démons, la Peste, un manoir oublié, des amas d'objets assemblés et doués de raison appelés "kratts", et beaucoup d'autres surprises. La magie est ici omniprésente, mais c'est bien de la magie de l'enfance dont il est question : la naïveté des personnages rappelle au lecteur les contes pour enfants, tandis que leur cruauté permanente envers leur prochain ramène systématiquement l'histoire à un niveau plus adulte de lecture.

    Une découverte surprenante, à lire sans attendre, qui témoigne de l'imagination sans limite d'un auteur plus que talentueux!


  • Conseillé par
    30 octobre 2014

    Un petit village estonien au mois de novembre. La météo n'est pas folichonne, ce ne sont que pluies glaciales, gelées et averses de neige. En bons estoniens qu'ils sont, les habitants ne se laissent pas abattre par les mauvaises conditions climatiques, d'autant que ventre affamé n'a pas froid aux oreilles. Il faut se sustenter et pour cela ils se livrent à leur sport favori : le vol, le cambriolage, l'extorsion, chez le voisin, chez l'ami proche, mais surtout au manoir où le garde-manger du baron allemand, l'infâme !, est continuellement pillé par les affamés.

    Les plus débrouillards chargent leur kratt de rapporter nourriture et bois de chauffage, les autres vont se servir eux-mêmes grâce à quelques ruses dont ils ont le secret. Dans cette ambiance de rapine généralisée, certains refusent obstinément tout ce qui vient du château, abhorrant ceux qui y vivent, ceux qui y travaillent et plus généralement tout ce qui vient d'Allemagne. D'autres se servent avec parcimonie, se contentant de subvenir à leurs besoins au quotidien. D'autres encore préfèrent amasser, jamais repus, toujours dans la peur de manquer. Les plus rusés ne se font pas prendre, les plus idiots prennent tout et n'importe quoi. Bien sûr, voler n'est pas très chrétien mais peut-on être honnête dans un pays où les démons se promènent aux yeux de tous, où le diable, ce Vieux-Païen, exige une âme en échange de chaque service, où les maladies prennent forme humaine pour se faufiler dans les chairs et tuer ?! Pourtant, là où ne poussent que haine, acrimonie, jalousie, mauvaise foi et cupidité, parfois fleurit l'amour, pur, désintéressé, mais sans espoir véritable.

    Bien sûr, Les groseilles de novembre n'est pas aussi profond et émouvant que L'homme qui savait la langue des serpents mais on aurait tort de le dédaigner pour autant. Ces petites chroniques villageoises, piquantes et burlesques, nous entraînent dans le folklore estonien, un peu à la manière des Racontars de Jorn Riel au Groenland. Inspiré par les contes traditionnels et porté par son imagination débordante, Andrus Kivirähk nous emmène dans un village reculé où la magie est au service d'habitants peu sympathiques, avares et envieux, seulement guidés par l'appât du gain. Cette clique rêve de pièces d'or, de garde-manger pleins à craquer et tout cela sans se fatiguer. Rusés, ils pactisent avec le diable mais toujours à leur avantage, sachant berner ce vieux fourbe trop naïf.
    Dans cet univers peuplé de vaches de mer, de loups-garous et de maintes créatures diaboliques, il faut laisser sa raison de côté et retrouver son âme d'enfant. D'ailleurs, ne sont-ils pas de grands enfants ces estoniens qui se bricolent un kratt de bric et de broc, qui creusent la terre à la recherche d'un trésor, qui soignent la malaria à grands coups de vodka ? S'il y en a à qui l'âge a apporté un peu de sagesse, la plupart préfère se laisser aller à la paresse et à la facilité. On ne voudrait pas les fréquenter sur le long terme mais il est bien plaisant de passer le mois de novembre en leur compagnie, trente jours de pur délire et de fantaisie. Après le peuple des forêts, Andrus Kivirähk s'intéresse à la paysannerie, roublarde et débrouillarde, toujours en rébellion contre le seigneur local, tardivement convertie au christianisme, ayant adopté Jésus-Christ sans délaisser les anciennes croyances.
    Kivirähk n'innove pas, mais ne déçoit pas non plus, et réussit encore une fois à nous emporter dans une belle aventure littéraire. A découvrir !