EAN13
9782916447933
ISBN
978-2-916447-93-3
Éditeur
Obsidiane
Date de publication
Nombre de pages
96
Dimensions
27 x 21,5 x 0,1 cm
Poids
1 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Machine

Cahier de l'Agart n°2

Obsidiane

Offres

Avant-Propos
au seuil du visible ses propres dispositifs discontinus :

montage, déplacement, épinglage, techniques mixtes

etc. : le brouillon et la bouillie.

La technique s’installe dans la forme : forme et technique

s’assemblent en une « bouillie » où Deleuze voyait l’action

propre au dispositif.

Je d irai p lutôt u ne « émulsion » : u ne p art résiduelle

de la forme, proprement technique et fonctionnelle qui

n’accède pas au visible, poursuit sa course au coeur de la

durée processuelle : elle a une vie propre et peut donc

déployer ainsi un mode d’exposition autonome, en soi.

En ce sens dispositifs et machines occupent la place de

« l’esquisse » à ceci près que leur destination n’est pas

d’être simplement au service du projet mais de créer

un lieu nouveau de l’oeuvre, entre l’oeuvre elle-même

et les conditions de sa réalisation. Ils sont ainsi une

« nouvelle expression artistique », ni dessin, ni peinture,

ni sculpture, ni photo, ni cinéma, mais un lieu commun à

toutes ses disciplines : à la fois « machine à comprendre »

(expériences de Brunelleschi) et « machine à voir » (le

Modulateur spatial de Moholy-Nagy).

La mémoire, par sa nature même est le modèle intégrécomplexe

de tout dispositif. Sa mécanique s’exerce depuis la

plus ancienne antiquité, depuis Simonide de Céos jusqu’à

Giordano Bruno, dans l’art de la rhétorique. Au Moyen-

Age la Machina Memorialis e st un outil e ssentiel pour la

pensée théologique ou philosophique, pour l’histoire,

l’art et la poésie. Elle est sans doute la raison, en grande

partie perdue aujourd’hui, de ce qui dans l’enluminure

trame la lettre à l’image.

Le collage adopte un grand nombre de ses fonctions,

articulations, découpages, ainsi que sa structure faite

de couches superposées. Il est aussi contemporain

de l’invention de la psychanalyse et de La Recherche du

temps perdu, deux modes de réactualisation de l’ar t

de la mémoire. Le collage serait un troisième mode :

l’inscription de la Machina Memorialis d ans le corps d e

peinture.

« Méditatif :

Il est (tisonne-t-on), un art, l’unique ou pur .... »

Mallarmé, « Crayonné au théâtre ».

« Le mouchage de torche est la trace charbonneuse laissée par

l’homme préhistorique après avoir frotté la torche sur les parois

pour enlever la partie carbonisée qui asphyxiait la f lamme et la

raviver. »

Si le dispositif est selon Deleuze « l’unité artificielle…

d’un ensemble multilinéaire », i.e. au minimum le lien

construit (imposé par décision ou s’imposant de lui-même,

par sa nature) entre au moins deux effets diffractés à

partir d’une source commune, ne faudrait-il pas voir dans

le « mouchage » le paradigme du dispositif pictural : une

marque laissée sur une paroi de grotte avec la seule intention

de ranimer le tison, et perçue dans un second temps comme

trace, c’est-à-dire comme déjà du dessin ? Et si le dessin, tout

au long de l’histoire, éclaire à sa manière, par la distinction

des formes, c’est qu’il conserve en lui à travers son outil, le

fusain et sa trace charbonneuse à la surface de la paroi, la

mémoire du feu dont il est une mutation. A l’autre bout de

l’histoire Matisse renouvelle la scène primitive dans une

chambre, qui est une sorte de grotte, où, alité, on le voit

tracer au plafond les figures de ses petits-enfants à l’aide

d’un fusain attaché à une perche.

On voit un même phénomène inaugural, la terre et

l’eau pour médium cette fois, avec les traces de doigts

creusant l’argile molle des parois de la grotte : d’abord

une empreinte de la main posée accidentellement puis

par insistance et répétition, par plaisir, le glissement

de l’index dans l’épaisseur de la matière molle, poussant

en avant et abandonnant sur ses bords le léger relief qui

comme un talus ou les rives d’un ruisseau encadre sa

marche en avant au but indécis.

On retrouve ce doigt errant avec Miss Froy dessinant

son nom dans la buée d’une vitre de wagon-restaurant.

Ce nom –fantôme, apparaissant ou disparaissant selon le

degré d’humidité ou de ventilation de la pièce est l’objet

énigmatique de Lady vanishes d’Hitchcock. Le dispositif

minimum conserve la « multilinéarité » qui a présidé

à sa construction : il est maintenant le pivot de récits

multiples que seule la résolution de l’énigme va réunir en

un seul.

Sans doute aussi la parole a erré longtemps dans le

labyrinthe des sons purs et des onomatopées, jusqu’au

Livre de Mallarmé.

Face à ces dispositifs minimums fondamentaux et quasi

originaires, à portée de mains, le collage introduit,

historiquement et stratégiquement, une complexité

maximale qui pulvérise la traditionnelle et antique unité

et homogénéité du geste pictural en laissant affleurer





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