EAN13
9782365123631
ISBN
978-2-36512-363-1
Éditeur
Croquant
Date de publication
Nombre de pages
200
Dimensions
21 x 14 x 2 cm
Poids
300 g
Langue
français
Fiches UNIMARC
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Le naufrage de l’Etat social dans les Outre-Mer

Le cas emblématique de la méthamphétamine à Tahiti

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Croquant

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En Polynésie française, une forte préoccupation est apparue à propos de la consommation de méthamphétamine, importée des États-Unis sous forme de cristaux et nommée « ice ». Vendue à prix d’or sur le marché polynésien (80€ pour une dose d’environ 0,04 gramme), l’ice s’est répandue dans divers segments de la population, y compris certains milieux populaires. Très addictive, elle provoque la marginalisation sociale de ceux qui en consomment et alimente un commerce particulièrement lucratif. Associée dans l’imaginaire collectif à la délinquance et à la violence, cette drogue est communément décrite comme un « fléau » qui menacerait l’équilibre de la société polynésienne, réputée paisible et pacifique. Cet ouvrage propose une analyse de ce phénomène jusqu’alors très peu documenté et offre une nouvelle clef de lecture de la panique morale qu’il a engendrée dans la société polynésienne, déjà ébranlée par la colonisation puis l’arrivée des essais nucléaires dans les années 1960.À partir d’une enquête menée entre 2019 et 2021 auprès de consommateurs, de trafiquants et de professionnels (services de l’ordre, professionnels de santé, responsables associatifs, etc.), ce livre montre que le problème de l’ice en Polynésie française est révélateur de l’état de crise sociale et politique que traversent les Outre-mer français, mis en lumière par la récente pandémie. Dans un contexte où les inégalités sociales sont particulièrement fortes et où l’État providence est inexistant, l’ice incarne en effet l’aspiration à la modernité d’une partie de la population et révèle une occidentalisation des modes de vie. De plus, la gestion de la crise de l’ice est significative des derniers développements du colonialisme dans les Outre-mer. Au sein du gouvernement bicéphale, un déséquilibre transparaît en effet entre l’État régalien, chargé notamment de la répression du trafic, et le gouvernement local, conduisant de façon autonome et avec peu de moyens les politiques sociales. Dans le cas de la lutte contre l’ice, comme d’ailleurs lors de la gestion de la pandémie, l’État central s’impose comme le seul acteur capable de gouverner en temps de crise et assoit ainsi sa domination sur un territoire tenté par l’indépendance.Table des matièresIntroductionChapitre 1 : L’essor d’un problème public Un premier chapitre retrace le développement de la consommation d’ice et la mise à l’agenda politique de cette thématique. Si cette drogue a commencé à se répandre progressivement dès les années 2000, ce n’est qu’à partir de la seconde moitié des années 2010 que ce phénomène apparait à l’agenda médiatique et politique. Cet intérêt soudain pour cette thématique s’explique à la fois par une progression importante de la consommation et par l’apparition de nouveaux indicateurs pour l’observer. Le chapitre montre que la consommation est érigée au rang de problème public dès lors qu’il devient évident qu’elle n’est pas uniquement une « drogue de riches », mais qu’elle se répand également dans les milieux populaires et chez les jeunes. En raison du prix particulièrement élevé de ce produit et de son caractère très addictif, les conséquences sociales de la consommation sont en effet particulièrement lourdes : appauvrissement, endettement, prostitution, vols, mais aussi participation au trafic. Chapitre 2 : L’ice, symptôme de l’occidentalisationUn deuxième chapitre montre que le succès de l’ice en Polynésie française s’explique par l’attrait, pour une partie de la population polynésienne, de la modernité occidentale. L’ice est considérée comme un produit de luxe : son prix particulièrement élevé lui confère une haute valeur symbolique. De plus, l’ice est associée aux États-Unis, d’où elle est importée, et son champ lexical est quasi exclusivement anglo-saxon. Plus généralement, les effets recherchés par les consommateurs reflètent les injonctions sociales de la modernité occidentale : l’ice est une drogue qui permet d’atteindre des performances (ne pas dormir pour faire la fête, tenir au travail, être performant sexuellement, etc.). Par ailleurs, beaucoup de trafiquants exposent leur enrichissement en achetant des biens de consommation de luxe (notamment des voitures et motos américaines, des jet skis, etc.). La panique morale générée par la consommation d’ice s’explique d’ailleurs en grande partie par le fait que cette drogue symbolise ce qui est considéré comme le délitement des traditions polynésiennes au profit de valeurs occidentales et du capitalisme. Chapitre 3 : Une réaction de l’État régalien et colonialUn troisième chapitre montre que la réponse publique est avant tout répressive : même la prévention est largement monopolisée par les forces de l’ordre. Cette victoire de la répression s’explique, comme ailleurs, par des motivations politiques et électorales. Mais en Polynésie française, cette stratégie revêt également une dimension coloniale : la répression relève de l’État français et permet à ce dernier de s’affirmer face aux autorités polynésiennes. Ce chapitre décrit ainsi la permanence des débats entre autonomistes et indépendantistes et la manière dont les élites politiques et administratives défendent le statu quo permanent. La problématique de l’ice est réduite à un problème de délinquance et les prises de parole des familles sont réappropriées par les autorités politiques pour soutenir des politiques de maintien de l’ordre. Alors qu’elle explique très largement le succès que connaît l’ice en Polynésie française, la question des inégalités sociales est systématiquement occultée du débat public. Les élites locales se positionnent en effet principalement autour du clivage entre indépendantistes et autonomistes, délaissant les enjeux sociaux.Chapitre 4 : Face aux addictions, le constat d’échec de l’Etat socialLe dernier chapitre montre que cette victoire de l’État régalien se fait au détriment de l’État social : la faiblesse du système redistributif va de pair avec l’insuffisance des moyens alloués aux politiques de santé publique. Comme ailleurs, la répression ne permet pas de tarir l’approvisionnement du territoire en drogue, mais a pour conséquence d’accroître les risques encourus par les trafiquants (lutte contre l’impunité) et de participer à la hausse des prix, laquelle stimule le marché. Les politiques de prévention et d’accompagnement font preuve de leur efficacité, mais sont largement insuffisantes. En l’absence d’une offre publique adaptée, les consommateurs souhaitant se sevrer doivent ainsi s’appuyer avant tout sur des ressources individuelles, familiales ou communautaires.Type de publicationL’ouvrage proposé est issu d’une enquête sociologique menée pendant deux ans en Polynésie française (2019-2021). Il est pensé comme une étude de cas courte et percutante (130 pages maximum) permettant de documenter la pauvreté dans les Outre-mer et de revisiter la question des relations entre l’Etat et ses périphéries.Publics visésL’ouvrage vise un public large constitué d’acteurs publics, de journalistes, de praticiens ou de citoyens intéressés par la situation sociale dans les Outre-mer et/ou par la consommation de drogues. Il s’adresse également aux chercheurs qui s’intéressent à la sociologie des Outre-mer, de la drogue, mais aussi à la (re)production des inégalités sociales dans divers territoires. De façon plus générale, l’ouvrage peut toucher les universitaires travaillant sur les politiques publiques et sur les relations entre État et périphéries. Les étudiants pourront y trouver un support pédagogique pour appréhender une réalité contemporaine.Présentation des auteuresL’ouvrage est coécrit par Alice Simon (CESDIP) et Alice Valiergue (EHESP/Sciences Po). Il bénéficie des conseils et de la relecture d’Henri Bergeron (Sciences Po-CSO). Il se fonde sur une étude approfondie menée par les deux coauteures, Alice Simon et Alice Valiergue, sous la direction de deux spécialistes de la sociologie de la drogue, Henri Bergeron et Michel Kokoreff (Paris 8-CRESPPA). La recherche fut cofinancée par la Maison des Sciences de l’Homme du Pacifique (UPF/CNRS) et le ministère de la Santé en Polynésie française.Alice Simon (coauteure) est spécialisée sur la sociologie de la jeunesse et...
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