Gérard agit tel un ogre qui impose sa loi à toute sa famille. Ce père est un menteur compulsif, ambivalent, qui écrase son entourage de sa force pour chasser l’effroi de sa propre faiblesse, corseté par son irrépressible besoin de liberté. À sa fille, il laisse ce paradoxe en héritage : un père qu’on ne peut s’empêcher d’aimer follement, mais que l’on décide de fuir définitivement pour sauver sa vie. À travers cette auscultation des mécanismes de la maltraitance, l’histoire est racontée à bonne distance, incarnée et sans pathos, et questionne la transmission de la violence, de l’absence et, in fine, de la joie.
Un diamant noir qui vise les tripes et vise juste.
Un barbecue bricolé en bas d’un immeuble d’une cité francilienne. Tranquille. Un énième contrôle de police. Blasés. Les esprits s’échauffent, la scène tourne à l’affrontement. Le délire. Les renforts poursuivent deux jeunes au guidon d’une moto-cross, puis ouvrent le feu. Arrachement définitif à la vie d’avant. Dans un phrasé sans cadre, au plus près de l’oralité, avec un sens de l’urgence magistral, Diaty Diallo dit le débordement de souffrances et le soulèvement collectif qui se prépare, pied-de-nez bouleversant de dignité à la relégation urbaine et sociale. Un diamant noir qui vise les tripes et vise juste.
Roman d’une beauté glaçante
« Il vaudrait mieux ne pas raconter mon histoire aux enfants », reconnaît le tortionnaire de profession. Cet homme gris, arrivé un matin dans une ville de brume et de cendres, est un colonel au service de tous les régimes politiques, dont le labeur quotidien est d’écorcher, désarticuler, arracher, toutes méthodes visant à transformer un être humain en une chose suppliciée, au nom de l’intérêt supérieur de la Nation. Mais le « spécialiste » ne trouve plus le sommeil, tourmenté chaque nuit par le poids des ombres, fantômes inscrits pour toujours dans le carnet noir de son âme. Le vide et l’inhumanité qui rongent les soldats, l’horreur universelle de la guerre et l’absurdité des comportements des puissants sont au coeur de ce court roman d’une beauté glaçante.
Qui se souvient d'Augustin Mouchot ?
Qui se souvient d'Augustin Mouchot ? Peut-être figurerait-il aujourd'hui au programme de tous les écoliers du pays pour les applications industrielles de son four solaire, mais cela, seulement s'il n'avait pas plu ce jour-là. Ou si la guerre franco-prussienne avait été évitée. Et puis, s'il avait finalement décroché cette subvention, s'il n'avait pas été aussi chétif et réservé, s'il n'avait pas placé sa confiance auprès de ce redoutable beau parleur... À travers les contingences qui définissent les contours des destinées individuelles, ce récit en forme de réparation vient nous rappeler combien est ténue la frontière entre l'inventeur de génie et le fou incompris.
Une touche de revanche sociale obtenue à la force des poings
Au mitan du 19ème siècle, une galerie de personnages se croisent autour du Champion of England, le bar d'une ville industrielle des alentours de Birmingham, tenu par une ancienne gloire du pugilat. Dans les pas d'une jeune femme débrouillarde issue d'une communauté gitane stigmatisée, vendue pour nourrir sa famille, battante par bien des aspects, se déploie une vaste fresque sociale qui souligne les profonds bouleversements à l'oeuvre dans cette société de possédants et d'ouvriers des fonderies et des mines. On y suit une route cahotante, mais empruntée avec détermination par cette héroïne attachante, avec une touche de revanche sociale obtenue à la force des poings.