Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

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1 mars 2016

Très drôle cet album illustré, le cinquième de la série Les aventures du fantôme qui pète. Évidemment, ça ne vole pas haut, mais ça fait rire grands et petits, et puis ils sont si marrants et attachants tous ces gens, tant Prouti, Prouta et Rototo que M. Rabotin, bien embêté car Edmée (je ne peux pas évoquer ce prénom sans penser au pétage de plomb de Louis de Funès dans Hibernatus) est une femme bien sous tout rapport et qui n'acceptera aucun débordement surtout gazeux. Saturnin et Emma Potiron connaissent bien les fantômes du village, ils les ont sûrement rencontrés dans les ouvrages précédents.

Léger, très joyeux, dessins colorés et drôles (la couverture en est une belle illustration). Une histoire à raconter aux petits, que Wiaz dédicace à son petit-fils, parce que les histoires de pets ça fait rire, les histoires de fantômes aussi (lorsqu'elles sont pour les enfants, bien entendu) donc, les deux genres cumulés, ça fera rire également. En tous les cas, sur moi, ça fonctionne !

Dans un autre genre, j'ai déjà chroniqué un livre de Wiaz sur le blog, Môaaa Sarkozy

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22 février 2016

Ce texte ne ressemble pas à un roman, on imagine très bien Isabelle Desesquelles avoir rencontré elle-même la mendiante de Venise et tous les autres ensuite, dans sa vie quotidienne. Mais de fait, nous sommes tous confrontés à la rencontre de la misère dans nos rues. Comment réagissons-nous ? Comment cette misère étalée devant nos yeux, devant ceux de nos enfants nous touche ? Quelles sont nos stratégies, nos excuses pour ne pas donner d'argent ou pour ne pas voir ces gens qui mendient ?

Ce qui est bien dans ce texte, c'est que la narratrice ne se barde pas d'excuses, elle n'a pas d'indulgence pour elle-même : "Sur la pauvreté, je n'en sais ni plus ni moins que les autres. Je l'ai croisée, je ne l'avais pas remarquée ou alors c'était sans rien y trouver de remarquable, je ne m'y arrêtais pas. Avec moi, l'angélisme n'est pas de mise ; quand un mendiant me réclame une somme précise, je la convertis en francs et l'envie de lui donner me passe aussitôt, si tant est que je l'ai eue." (p.17) C'est aussi ce qui ne met pas à l'aise, car avouons-le, tous nous avons été -et le sommes encore sûrement- gênés devant la mendicité : donner ? ne pas donner ? pourquoi à cette personne et pas à l'autre ? Pour finalement ne donner à personne. Isabelle Desesquelles ne donne pas de réponse, évidemment, elle ne juge pas, elle se pose exactement les mêmes questions. Son texte est un cri de peur, de désespoir, d'impuissance, de désarroi, de mal-être. Elle doit tous les jours répondre aux questions de son enfant et penser à son avenir qu'elle imagine plus sombre que nos jours actuels. Alors, elle en appelle à la littérature parce que c'est son moyen de se ressourcer, de réfléchir, de tenter de comprendre le monde : Andersen et La petite fille aux allumettes, Emily Brontë et son poème, Ce n'est pas une lâche que mon âme et surtout Victor Hugo et Les Misérables dont certains passages reproduits dans ce livre sont cruellement actuels, bien qu'écrits il y a plus de 150 ans.

Et la narratrice de poursuivre sa réflexion qui part dans beaucoup de directions, comme nous le ferions nous-mêmes : la richesse mal partagée et ces robes qui valent le prix d'une maison, ces voitures de luxe qui tardent à être livrées tant il y a de demande, alors que devant les devantures des revendeurs des SDF font la manche, ces gens bourrés de pognon qui ne pensent qu'à s'acheter la dernière paire de chaussure à la mode parce que "Il faut bien s'habiller, non ? La loi l'impose. Nue, on va en prison" (p.49, réponse d'une riche héritière non citée à un journaliste), ... Dans un court chapitre qui débute par un "Elle est où l'humanité ?", beaucoup de phrases choc, des évidences à dire et redire, à asséner pour ne pas devenir insensible et "habitué" à la misère : "Quand il s'agit de vous porter secours, on n'a rien dans le ventre. Elle est où, l'humanité, dans la blonde qui rallie les suffrages avec des éructations en guise de programme : "Combien de Mohamed Merah dans les bateaux et les avions qui arrivent chaque jour en France ?" Au même moment, un Afghan, un Syrien, un Somalien, un Kurde, un du monde entier coule à pic au large des côtes européennes." (p.50/51)

Je vais m'arrêter là mais je pourrais continuer de longues lignes encore, tellement ce texte est bouleversant et dérangeant, il vient nous titiller sur nos points faibles, sur notre part d'humanité sans jamais nous juger, juste nous questionner. Un livre court (110 pages) et fort intelligent que je vous recommande très chaudement.

Anne-Marie Métailié

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22 février 2016

Quel roman, les amis, quel roman ! Leonardo Padura nous promène dans les rues de La Havane, puis dans celles d'Amsterdam du 17° avec autant de verve. Extrêmement documenté, c'est un pavé qui se lit avec avidité. Construit en quatre parties : Le livre de Daniel, Le livre d'Elias, le livre de Judith et Genèse, références bibliques obligent. Je dois vous dire que malgré mon plaisir de retrouver Mario Conde, j'ai senti beaucoup de lourdeurs et de longueurs dans ce roman. Les deux seules parties qui m'ont vraiment intéressé sont celles ou Conde enquête (Le livre de Daniel et Le livre de Judith). Celle qui concerne Rembrandt (Le livre d'Elias) m'a paru très longue, et j'y ai passé beaucoup de paragraphes sans que cela ne nuise à ma bonne compréhension de l'intrigue du roman. Je reste persuadé que l'on peut aimer et même conseiller un livre alors qu'on ne l'a pas lu en entier, surtout celui-ci qui aurait pu faire trois livres différents, édités individuellement.

Mario Conde est né au mitan des années cinquante, juste avant la révolution, il n'a donc connu quasiment que le règne de Castro dans lequel la religion était interdite. C'est pourquoi, il se pose énormément de questions sur la croyance religieuse. Ses recherches le feront rencontrer des juifs pratiquants, des non-croyants, d'autres qui reviennent à la religion après l'avoir quittée, puis dans la troisième partie, des jeunes gens en recherche d'identité, émo, rockeurs, ... qui amalgament toutes leurs lectures et leur éducation et ressortent le tout en un galimatias à peine compréhensible de croyance en la mort de Dieu (ce qui tendrait à penser qu'il a existé), au bouddhisme, à la métempsycose, ... : en bon athée (comme Conde), ce ne sont pas des questions qui me taraudent, loin de là, et là encore, j'ai sauté des passages longs et répétitifs. Néanmoins certaines phrases m'ont bien plu : "Parce que , ces jours-ci, certaines choses m'ont fait penser que c'est plus facile de croire en Dieu que de ne pas y croire... Tu te rends compte, si Dieu n'existe pas, aucun Dieu, alors que les hommes se sont toujours détestés et entretués pour leurs dieux et pour la promesse d'un au-delà meilleur... si, en vérité, il n'y a ni Dieu, ni au-delà, ni rien.." (p.501) A écouter aussi, la chanson de Souchon, Et si en plus y'a personne.

J'ai été par contre beaucoup plus intéressé par les questionnements de Conde sur son pays qui change en s'ouvrant mais pas forcément pour un mieux-être des Cubains, la jeunesse est en perdition, ne rêve que d'argent facile et de rejeter tout ce que leurs aînés ont avalé pendant cinquante ans. De même les doutes de Conde quant à son engagement auprès de Tamara la femme qu'il aime depuis vingt ans sont intéressants et attendrissants de la part de ce cinquantenaire habitué aux situations difficiles et très emprunté devant la femme qu'il aime.

Ce roman absolument fou et flamboyant recèle des trésors, même s'il contient également des obstacles. Leonardo Padura a mis trois ans pour l'écrire, mais étant donné l'érudition, la qualité du style et des informations apportées, nul ne saurait s'en étonner. Très bonne lecture, même si pour moi, elle reste très en-deçà d'un de ses romans précédents, excellentissime, L'homme qui aimait les chiens.

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22 février 2016

Roman graphique sans doute plus que bande dessinée, disons qu'Étienne Davodeau écrit et dessine là un reportage sur quarante années de vie de ses parents entre le début des années 40, leur naissance jusqu'à 1981, le 10 mai pour être plus précis jour de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la république. Né un an après Étienne Davodeau, j'ai vécu un peu les mêmes choses que lui : éducation religieuse à l'ancienne, culpabilisante et totalement archaïque mais qui marquait de manière forte les enfants impressionnables, communion, et tout le toutim... Et comme lui, je m'en suis sorti, ouf, moi, maintenant, je serais plutôt du genre athée-bouffeur-de-curé, mais avec le respect de ceux qui croient pourvu qu'on ne m'emmerde pas avec ce qui est de l'ordre du privé. Je connais bien la JOC pour en avoir fait partie, c'était plutôt le côté copains qui m'intéressait, je séchais beaucoup les réunions où l'on réfléchissait sur l'importance de la religion. J'ai grandi comme Étienne Davodeau dans un milieu ouvrier, avec la grande différence d'habiter une grande ville donc moins soumise aux diktats de l'Église. Mais mes parents qui étaient instituteurs dans des écoles privées dans la campagne de Loire Atlantique jusque dans les années 60 m'ont raconté bien souvent des choses similaires à celles qu'ont vécues Maurice et Marie-Jo. C'était très mal vu à l'époque de militer, surtout à gauche. Les patrons étaient bien bons d'offrir du travail aux gens de la région et encore meilleur de les payer alors il ne fallait pas trop la ramener. La couverture de l'ouvrage est très symptomatique : les mauvaises gens entre l'église et l'usine, les deux grandes forces de l'époque, l'une prétendait diriger les vies professionnelles et l'autres les vies privées et spirituelles. Alors quiconque se levait contre l'une se mettait l'autre à dos avant que n'arrive dans ces communes des prêtres-militants, ceux qui ont permis aux jeunes de militer à la JOC et de se libérer de leurs carcans. Car il faut bien le reconnaître et "Dieu me crapahute" comme disait Pierre Desproges, c'est quand même grâce à ces jeunes prêtres qui se sont rapproché des ouvriers et qui pour certains en sont devenus que la jeunesse ouvrière s'est ouverte à la modernité.

Un roman graphique important pour ne pas oublier ce que firent nos parents pour s'émanciper de la double religion église-usine. Les luttes syndicales ont permis tellement d'avancées sociales qu'on a sans doute oublié qu'elles étaient d'abord menées par des hommes et des femmes comme les autres avec peut-être un peu plus de convictions ou d'envies de les partager et d'en faire profiter les autres.

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22 février 2016

"Subtile introduction à la Corée" écrit l'éditeur. Je confirme. Je confesse mon peu de connaissance sur la Corée et l'auteure me raconte tendrement et subtilement les traditions concernant les grands moments de la vie. Avant de s'intéresser au mariage, Halabeoji choisit les prénoms des enfants. Ainsi, Seung-geun qui signifie Racine montante et son frère aîné prénommé Dae-geun, Grande Racine. Un texte simple et beau, embelli encore par certains termes -voire des bouts de phrases- écrits en français, dans leur traduction coréenne et en sinogrammes, iceux étant expliqués : 人 pour l'homme, "in", 天 pour le ciel, "cheon", par exemple, mais il est fort dommage que je ne puisse en reproduire d'autres ici. Notamment la terre, "ji", que je n'ai pas réussi à trouver, car ce sont les premiers sinogrammes que les enfants apprennent "commençant par le fameux groupe cheonjiin (cheon, le ciel, ji, la terre, et in, l'homme qui a vocation d'être le lien entre les deux)" (p.13). Mon clavier ne me permet évidemment pas de les écrire et même en les cherchant sur Internet, il faut être très observateur pour être sûr d'avoir le bon, certains diffèrent d'un petit détail invisible à mon œil de Français. Je préfère m'abstenir plutôt que d'écrire une grossièreté...

Ce texte, sous ses dehors humoristiques, et cette parure de livre de souvenirs et malgré sa brièveté (56 pages) permet d'en savoir un peu plus sur les traditions de la Corée, sur le rôle de la femme, l'ancrage fort des us, la difficulté que ceux-ci peuvent représenter pour une étranger, l'accueil chaleureux des Coréens... "Quand le grand-père leva de nouveau la tête, ce fut pour demander : Eoneu nara eseo, "De quel pays ?". Une question sans sujet et sans verbe, sans aucune marque de politesse (la langue coréenne l'autorise de la part d'un aîné). Le sujet non exprimé de cette courte phrase, c'était moi. Le contexte empêchait toute ambiguïté. Le petit-fils répondit : Peurangseueseo wass-seubnida, "(Elle) est venue de France". Lui, la politesse lui imposait de mettre un verbe. Moi, j'étais toujours absente grammaticalement et comme inexistante physiquement. Je ne devais surtout pas fixer le grand-père dans les yeux. J'avais retenu la leçon. Je ne devais pas non plus répondre aux questions. Racine montante s'en chargerait. On ne me demandait que d'être figurante." (p.29/30). Cette histoire se déroule au milieu des années 80, sans doute le pays a-t-il beaucoup évolué puisqu'il est désormais le pays le plus connecté au monde. Une très belle "initiation à la Corée la plus ancestrale et la plus contemporaine" (note éditeur) que je ne peux que vous inciter à lire.