Un retour en images sur les années 20 en Turquie
La BD est l’adaptation du roman d’Allain Glykos Manolis de Vourla parue aux éditions Quiquandquoi et retrace l’enfance de Manolis –le père d'Allain Glykos-, jeune grec dans la Turquie des années 20, au moment où Mustafa Kemal décide de résister au dépeçage de la Turquie décidé par les Alliés lors du Traité de Sèvres et signé par le sultan Mehmed VI ; Kemal engage une bataille contre les Français, les Italiens les Arméniens et les Grecs, plébiscitée par la population turque.
La guerre remportée par Atatürk oblige la Grèce à céder des territoires à la Turquie et entraîne d’importants mouvements de population : de 1,2 à 1,5 million de Grecs orthodoxes devront s’exiler en Grèce et environ 385.000 Musulmans seront expulsés vers la Turquie.
Tous vivaient en bonne intelligence avant le conflit comme nous le montre le début de l’histoire de Manolis. Le conflit et la montée de la haine anti-grecque de la part des Turcs sont totalement incompréhensibles pour le petit garçon qui se voit séparé brutalement de sa famille quand les balles turques pleuvent sur son village. Il réussira malgré tout à retrouver sa mère après un long périple.
Le graphisme en noir et blanc d’Antonin est très fort et joue sur ces deux tons de façon très expressive.
Un excellent roman graphique qui permet de découvrir une page méconnue de l’histoire de la Turquie contemporaine et en même temps un récit de vie poignant.
Pour adultes mais aussi jeunes lecteurs dès 12 ans.
Un magnifique album reprenant une nouvelle de Tolstoï
Pacôme, un jeune paysan de Sibérie, cultive son champ; sa famille ne manque de rien mais il est rongé par l’envie d’avoir un champ plus grand, ainsi pourrait-il être « tout à fait heureux »… ; de page en page, Pacôme réussit à agrandir son domaine, n’hésitant pas à parcourir des terres de plus en plus lointaines pour réaliser ses rêves de possession jamais satisfaits. Mais cupidité et avidité n’étant pas synonymes de bonheur, l’histoire finit bien mal pour Pacôme…
Un double coup de cœur pour le texte à méditer et pour les gravures superbes de Raphaël Urwiller, illustrateur et éditeur par ailleurs d’Icinori.
Une BD superbe alliant Histoire et documentaire
1761: un navire de la Compagnie des Indes françaises avec à son bord 160 esclaves malgaches échoue sur un îlot de récifs de moins de 2 kilomètres de long en plein océan indien. Le lieutenant réussit à faire construire un bateau à partir de l'épave du premier et à rejoindre la civilisation mais en abandonnant les esclaves sur place. C'est seulement quinze ans après que l'on retrouvera sept femmes et un enfant ayant réussi à survivre malgré les tempêtes récurrentes submergeant l'îlot et les conditions de vie extrêmement difficiles.
Deux récits s'imbriquent dans cette BD captivante, l'un racontant ce naufrage et la survie des esclaves rescapés après leur abandon sur l’île par les Français, l'autre la mission scientifique à laquelle a participé l'auteur en 2008 pendant 6 mois et qui a permis de dégager des traces de cette occupation (ustensiles, constructions de pierres, restes du bateau échoué...).
Sylvain Savoia nous offre deux histoires complémentaires et fortes qu'il a réussi à traiter différemment au niveau du graphisme et de la narration. Un album superbe !
Laurence
Un roman bien noir
Après l’excellent "L’expert" de Trevanian, voici un autre titre réédité dans la nouvelle collection de Gallmeister, « Néonoir », éditeur que nous aimons beaucoup au Moulin des Lettres et que nous suivons depuis longtemps.
Anti-héros absolu revenu de tout et du pire, Douglas Pike vit au jour le jour de petits boulots dans sa ville natale de Cincinnati et « hérite » un beau matin d'une gamine de 12 ans, sa petite-fille, dont il devient le seul parent puisque sa fille, abandonnée enfant, est morte d'une overdose.
Voulant éclaircir les conditions dans lesquelles elle a trouvé la mort, Pike part à la recherche du fantôme de sa fille. Bijou noir, langue âpre, alcool, drogue et prostitution à en pleurer, sans oublier un flic pourri jusqu'au tréfonds de l'âme en personnage secondaire rebutant à souhait. Un roman percutant qui traite aussi de paternité, d’amitié, de solitude et de l’Amérique des désespérés.
Comme dans « Dans la mer il y a des crocodiles» de Fabio Geda ou « Le temps des Miracles » de Anne-Laure Bondoux, deux gros coups de cœur lors de leur parution, ce court roman nous emmène dans un voyage particulier, celui des centaines de migrants qui cherchent à fuir leur pays en guerre ou ravagé par la famine à travers le personnage de Seyba dit aussi Sam, jeune homme qui décide de s’embarquer sur un bateau clandestin pour rejoindre l’Europe. Avant d’atteindre le bateau qui symbolise tous leurs espoirs, adultes et enfants devront suivre un parcours semé d’embûches, débourser encore et encore, subir coups et insultes des passeurs …
Un sujet d’actualité brûlant très bien traité, à lire dès 11 ans