Les hommes sirènes

Fabienne Juhel

Le Rouergue

  • Conseillé par
    16 avril 2011

    L’homme – Antoine, Abhra de son nom de naissance – apprend qu’il a un caillot fatal niché près du cœur. Un argument suffisant à ses yeux pour laisser derrière lui femme et enfant et aller voir la mer. Mais ce long voyage vers l’océan, que l’homme fait à pied, est aussi pour lui une manière de remonter le temps et de sonder son passé. Un passé très particulier : enfant indien adopté par un couple formé d’un frère et d’une sœur et élevé par une cuisinière et un sage-sorcier-rebouteux. Un passé marqué par les horreurs de camps qu’avaient subi ses parents adoptifs, par la mort et la fatalité. Par la nature aussi et les rencontres de hasard. D’ailleurs, des rencontres, l’homme en fait aussi en allant vers la côte. Des amours de vent, des amis de toujours peut-être, des questions à n’en plus finir. L’une d’elle s’avèrera vitale et aura le pouvoir de dénouer les sortilèges brodés par le passé…

    Le thème est connu – tout quitter, changer de vie, retrouver ses racines… – mais ce n’est pas une énième variation sur le sujet que nous propose ici Fabienne Juhel. Dans une langue poétique, avec un immense talent de conteuse, l’auteure déroule une chanson légère et terrible qui prend littéralement le lecteur dans ses rêts. S’il faut un peu de temps pour entrer dans cette histoire particulière, il en faut aussi beaucoup pour en sortir…

    Plus qu’une lecture, c’est une aventure et une expérience. Un moment magique. Une plongée en apnée dans une langue belle, riche, infiniment nuancée… Entre tous ces éléments, le dénominateur commun, c’est l’humanité, parfois cruelle mais aussi belle et profonde. Un livre à garder précieusement à son chevet pour y replonger sans jamais se lasser. Un de ces livres rares qui marquent durablement…


  • Conseillé par
    12 février 2011

    Antoine, la quarantaine, apprend qu’il a un problème cardiaque. "Un caillou, un scrupule, un caillot, un remords, au choix... ". Une inscription sur une palissade "Défense de déposer des ordures" et il laisse sa femme Maryse, son fils et son ami Brian. Il part, il marche vers la mer qu’il veut voir. Lui, L’Homme aux origines indiennes, cherche à comprendre son enfance pour se découvrir lui-même.

    Comment parler de ce livre ? Je suis ressortie éblouie, ébranlée, stupéfaite et conquise ! Eblouie car dans un ce livre, Fabienne Juhel crée un univers à part. Un monde bien réel mais où les rebouteux à moitié sorciers, les loups et une maison aux 113 fenêtres ont leur place. Elle nous plonge dans cet univers où L’Homme, Antoine, a grandi. Une enfance qui se dévoile peu à peu étrange, mystérieuse. Des parents adoptifs qu’il appelle les Ténébreux, les Alpha. Eli et Eve Eckert un couple aux attitudes surprenantes, malsaines. Frère et sœur, ils portent en eux les traces indélébiles des camps d’extermination. De ce passé, ils entretiennent une relation singulière avec la mort et portent un regard froid, sordide sur la condition des hommes. Une enfance conditionnée sèche, aride qui sèmera le trouble au plus profond d’Antoine. Auprès d’Eugénie la cuisinière, il trouvera de l’amour. Du vrai. Poète sans renommée, le déclic de partir lui vient en lisant des lettres peintes aux abord d'un chantier. Antoine disparait pour laisser place à Abhra, son vrai prénom qui signifie "nuage" :
    "Prêt à récupérer son nom d’Indien, à se laisser pousser les cheveux et à mesurer le monde sous sa semelle. Nuage pour mieux se fondre dans le paysage. Oui, il est prêt à prendre le pouls de la Terre, à en capter les vibrations. A voler de ses propres ailes, avec ce qui lui reste de cœur et de courage, jusqu’à la première mer qui voudra bien le coucher sous son édredon d’écume". L’homme marche, part sur les chemins pour se reconstruire, se nourrir de ses racines.

    J’ai été bousculée par la noirceur qui côtoie le lumineux, la beauté et la pureté. Ce livre est hypnotique, l’écriture de Fabienne Juhel est stupéfiante. Elle arrive à marier la poésie, l’âpreté des mots, la délicatesse pour en faire une écriture qui nous enveloppe, qui nous berce ou nous charive. L’histoire, la quête d’Antoine pour s’approprier son identité d'Abhra et se trouver m’a interpellée, conquise…

    Il s’agit d’une lecture magnifique, aux accents atypiques, puissante. C’est tout simplement sublime… Un gros coup de cœur ! Un livre dont on ne sort pas indemne...