Chokolov city / roman

Jonathan Baranger

Champ Vallon

  • Conseillé par
    9 décembre 2018

    Little Bulgaria

    Voici un premier roman réjouissant dans lequel Jonathan Baranger invente tout un monde, celui de la diaspora bulgare new yorkaise au début du 20e siècle. Boutiquiers, libraire, bottier, vendeur de boutons de manchette, assureurs et banquiers gravitent autour d’une riche famille de la Sixième Avenue, les Chokolov.

    Le pilier du livre et de la petite communauté bulgare est le libraire Monmouth Sibling, observateur, confident et mémoire vivante de ce quartier de l’East Side. Il prend sous son aile Bogdan Oblanov, un jeune homme qui entreprend de traduire en bulgare l’œuvre de Henry James par amour pour la belle Elaine Chokolov, fille du capitaine d’industrie. Si ses traductions relèvent davantage de la réécriture, elles sont pourtant spoliées par deux étudiants, dont le frère d’Elaine, qui y voient un canular lucratif. L’imposture est bien au cœur de ce roman, entre mauvais littérateurs et bons auteurs, artistes populaires et critique élitiste, théâtre abscons et posture intellectuelle, charlatans et génies (parfois mauvais) de l’ombre. Pas facile de se faire reconnaître d’un public de nouveaux riches que le mauvais goût n’épargne pas.
    La grande affaire : la littérature
    Les Bulgares de New York importent la littérature d’Europe de l’Est, la tradition du texte et de l’exégèse. Ici, on s’épuise sur les livres, on déchiffre, on écrit pour être publié, on réécrit, on traduit, on commente. Il y a un plaisir contagieux à raconter des histoires, dont les personnages sont eux-mêmes les narrateurs et les héros. Mais cette foi dans la capacité de l’art et de la littérature en particulier à transcender l’existence n’est pas sans péril ; lorsque l’art fige la vie, la folie ou la mort ne sont pas loin. De fait, la petite société est incapable de se régénérer, de se survivre, gardienne de ses morts et inapte à surmonter les désillusions. Roman original, fantastique à certains égards, énigmatique et ironique, « Chokolov City » rappelle la tradition du roman russe aussi bien que l’univers fitzgéraldien. A lire absolument !

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