Marseille, le roman vrai
EAN13
9782234076969
Éditeur
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Date de publication
Langue
français
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Marseille, le roman vrai

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Autant le dire simplement, j’aime Marseille. J’y ai vécu, et j’y retourne
souvent. Deux parties de la ville qui n’ont a priori rien à voir m’occupent
depuis des années.
La première se passe à la Castellane, dans les fameux quartiers nord. Fin
2011, juste avant Noël, un garçon de 17 ans, prénommé Kamel, y était assassiné
à la kalachnikov. Deux jours après, trois dealers grillaient dans un «
barbecue ». Une balle dans la tête et des corps brûlés dans une voiture, parce
que « ça prend vite feu ». Kamel habitait la cité de Zinedine Zidane que
j’avais arpentée aux temps où l’on célébrait la France « blanc, black, beur ».
En 2011, les trafiquants de la Castellane n’avait pas encore fait résonner
leurs fusils mitrailleurs à la veille d’une visite du premier ministre à
Marseille et la cité ne faisait pas les gros titres de journaux. Mais, on
disait déjà qu’elle abritait le plus gros marché de stupéfiants de la région,
voire de France, ce qui était vrai.
Dans la même période, on assistait à l’ascension des deux frères Guérini,
Jean-Noël, qui présidait le conseil général des Bouches-du-Rhône et Alexandre,
qui retraitait déchets et ordures. Quand Kamel a été abattu en bas de son
immeuble, Jean-Noël venait d’être mis en examen pour, entre autres, « trafic
d’influence » et « association de malfaiteurs ». Le juge qui instruisait le
dossier parlait d’un « système mafieux » mais le socialiste continuait à
diriger le département. Son frère Alex, poursuivi pour les mêmes motifs (plus
quelques autres dont la « détention » d’un chargeur de pistolet Glock),
sortait de cinq mois de détention préventive mais lui aussi continuait à
diriger ses entreprises.
Ces deux histoires parallèles ont fini par se rencontrer.
D’un côté, les quartiers nord, les zones périphériques réservées aux
descendants d’immigrés, l’économie de la drogue et sa violence à l’état brut.
De l’autre, les quartiers sud, la partie « corso-marseillaise » de la ville,
son économie tout court et sa violence recyclée dans les urnes. Deux mondes
dissemblables et pourtant imbriqués, l’un expliquant l’autre. Et entre deux
franchissements de frontières, j’allais au Cercle des Nageurs, ce club de
natation, dont la célébrité s’accroît après chaque compétition internationale.
Ce livre est né de mes allers et retours entre ces deux mondes, avec le Cercle
au milieu, comme un miroir grossissant de la ville.
Marseille est belle et tragique, tout chez elle semble soumis à la fatalité.
Marseille est elle-même un cercle, un cycle éternellement recommencé, que rien
ne vient jamais briser, la définition même de la tragédie.
Marseille a une histoire. Cette histoire la rend unique. Et cette histoire
l’enferme. Tous ceux qui ont prétendu vouloir lui offrir un autre destin ont
été éjectés du cercle. Marseille, quel que soit le maire qui occupe son hôtel
de ville, et quel que soit le gouvernement qui au sommet de l’État promet d’y
ramener de l’ordre, reproduit toujours les mêmes formes. Ses habitants eux-
mêmes, qu’ils me pardonnent de parler à leur place, enragent d’en être
prisonniers mais, qu’on leur donne la clé, ils n’ouvrent pas pour autant la
porte pour s’échapper.
Sinon quoi ? Leur ville serait comme toutes les autres. »

M.-F. E.
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