Dictionnaire du Grand Siècle (1589-1715)

En tête d'un livre fameux consacré au Siècle de Louis XIV, M. de Voltaire* ne craignit point d'écrire : « Quiconque pense, et, ce qui est encore plus rare, quiconque a du goût, ne compte que quatre siècles dans l'histoire du monde. Ces quatre âges heureux sont ceux où les arts ont été perfectionnés, et qui, servant d'époque à la grandeur de l'esprit humain, sont l'exemple de la postérité. » Voltaire ne prétend aucunement que ces temps privilégiés « aient été exempts de malheurs et de crimes ». Il sait que « la perfection des arts cultivés par des citoyens paisibles n'empêche pas les princes d'être ambitieux, les peuples d'être séditieux, les prêtres et les moines d'être quelquefois remuants et fourbes » ; mais il privilégie « l'histoire de l'esprit et des moeurs » au détriment de celle des batailles. Dès lors rien n'égale, à ses yeux, quatre périodes le siècle de Périclès et d'Alexandre ; le siècle de César et d'Auguste ; le siècle des Médicis ; enfin et surtout le siècle de Louis XIV. L'auteur de l'Essai sur les moeurs s'est gardé cependant de corseter ses siècles favoris dans une chronologie trop stricte. Lorsqu'il hasarde quelques dates inaugurales ou terminales, il ne craint pas de se contredire à l'intérieur du même livre. Il lui est arrivé de réduire à un demi-siècle (1650-1705) ce siècle de Louis XIV qu'il a pourtant porté sur les fonts baptismaux - parrain impie, parrain déiste d'un âge profondément chrétien - ; mais, dès qu'il fait passer l'esprit critique avant l'esprit de critique, le siècle de Louis XIV retrouve sous sa plume de larges et nobles proportions : Voltaire le voit couvrir quelque quatre-vingts ans, le temps qui sépara la création de l'académie française (1635) de la disparition du Roi-Soleil (1715). Mais les meilleures formules, passées dans le domaine public, érodées ou affinées par le temps, et portées par des millions d'hommes, vivent ensuite d'une vie personnelle ou collective, souvent incontrôlable. Aujourd'hui, au lendemain du rappel d'un « millénaire capétien », il semble que, de dix siècles d'histoire de France, trois seulement aient mérité ou gardé un nom : le siècle de saint Louis (XIII siècle), le siècle des Lumières (XVIII siècle), et... celui qu'on n'appelle plus siècle de Louis XIV, mais... Grand Siècle.