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31 juillet 2013

Grèce intérieure

En 1995, Vassilis Alexakis reçoit le Médicis pour son livre paru cette année- là, " La langue maternelle ", vingt ans après la sortie de son premier roman, " Le sandwich " (qui vient d’être réédité chez Stock). Cette consécration est largement méritée par cet auteur reconnu mais discret, qui aujourd’hui (soit de nouveau vingt ans après !) compte d’innombrables aficionados, à commencer par un certain nombre de libraires, bibliothécaires et critiques littéraires qui se jettent sur ses nouveaux livres comme si leur vie en dépendait.

Parce que chacun sait qu’Alexakis nous apporte toujours plus qu’un simple bon roman.

Né en Grèce, venu à Paris pour étudier alors que le régime des Colonels pesait sur Athènes, Vassilis Alexakis écrit en français, mais parfois en grec, se traduit lui-même d’une langue à l’autre, raconte la France depuis l’île de Tinos où il passe une bonne partie de l’année et, quand il est à Paris, fait vivre ou revivre les proches qu’il a laissés là-bas, sa mère en particulier. Alexakis, c’est aussi un travail d’autofiction extrêmement singulier, une enquête sans fin où un narrateur, toujours un peu égaré, cherche et ne trouve jamais, ou trouve autre chose, mais sait-il seulement ce qu’il cherche ?

Dans " La langue maternelle ", Pavlos, Parisien depuis longtemps, rentre en Grèce où sa mère est morte. Refera-t-il sa vie dans ce pays ? Un peu par hasard, il se met à chercher la signification de l’epsilon, le E grec, qui surmontait la porte du temple de Delphes. Dans ce qui, en apparence, pourrait n’être qu’une enquête savante au cœur de la langue grecque, toutes sortes de souvenirs surgissent, images de l’enfance, de la mère disparue, de tout ce que Pavlos avait cru pouvoir oublier.

Rarement un auteur aura réussi à mêler ainsi érudition et intimité, histoire collective et passé personnel, et à mettre à nu ce que notre relation à la langue maternelle dit de nous. Depuis, toute l’œuvre d’Alexakis me paraît ressembler à un savant édifice patiemment construit, complexe et truffé de passages secrets, un édifice dont on a l’impression de n’avoir jamais entrouvert toutes les portes dérobées.

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30 juillet 2013

L'amour, toujours l'amour

Les six sœurs Mitford ne furent pas toutes fréquentables, loin de là, puisque deux d'entre elles furent très proches de Hitler. Mais Nancy, l'aînée, romancière et francophile, mena une vie de femme cultivée et généreuse. Son premier roman, fortement inspiré de sa famille, " La poursuite de l'amour ", devint immédiatement un best-seller à sa parution, en 1945. Quelle chance de pouvoir le redécouvrir aujourd'hui, ainsi que les trois livres qui suivirent, eux-aussi à forte tendance autobiographique.

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Joëlle Losfeld

24,50
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30 juillet 2013

le calvaire d'Harriet

Comment choisit-on le sujet d'un roman ? A cette question, Elizabeth Jenkins évoquerait probablement le hasard, ce même hasard qui lui fait croiser au début des années 1930 le chemin d'Harriet Staunton, une jeune femme simple d'esprit à la destinée tragique, et dont le nom hanta l'Angleterre victorienne avant de sombrer dans l'oubli. L'histoire débute en 1875. Harriet et sa mère, Mrs Ogilvy, coulent des jours heureux dans leur propriété londonienne, à l'abri du besoin, malgré le tempérament difficile de la jeune femme et ses sautes d'humeur récurrentes. Comme chaque année, Harriet est envoyée chez une cousine désargentée, Mrs Hoppner, dont les charmantes filles, Elisabeth et Alice, jalousent la richesse et les belles tenues d'Harriet. Elisabeth vient d'épouser Patrick Oman, pendant qu'Alice nourrit une passion secrète pour le frère de ce dernier, Lewis, un ambitieux coureur de dots qui voit bientôt en Harriet une proie idéale. Avec beaucoup de tact et de patience, il parvient à monter la jeune femme contre sa mère, l'épouse, la séquestre dans un cottage et la maltraite, avec la complicité d'Alice, devenue sa maîtresse, de son frère et de sa belle-sœur. Les privations, la violence et les coups s'installent de manière insidieuse dans ce foyer où l'on feint de vivre comme si de rien n'était et où l'on tente d'effacer la présence de plus en plus compromettante de l'intruse et de l'enfant qu'elle a mis au monde, jusqu’à l’irrémédiable.

   Aussi dérangeant que ces reportages télévisés mettant en lumière un fait divers particulièrement sordide, ce récit fait de nous les spectateurs impuissants du calvaire d’Harriet, l’inconfort de cette position étant encore renforcé par l’absence d’images et le non-dit : en effet, l’auteure suggère bien plus qu’elle ne décrit par le menu détail les sévices infligés à la jeune femme, leur perversité n’éclatant au grand jour que lors du procès de ses bourreaux et à la lecture du réquisitoire. Cette attente se trouve accentuée par le style flegmatique, lancinant, de Jenkins et par l’adoption de différents points de vue lui permettant d’établir avec beaucoup de subtilité les profils psychologiques des protagonistes. Même s’il est difficile de s’attacher au personnage d’Harriet, cet être égoïste, capricieux et matérialiste, un basculement s’opère au cours du texte du tolérable vers ce qui ne l’est plus, dans le but d’asseoir la culpabilité des quatre complices, en laquelle croyait la romancière, mais qui avait été mise en doute à l’époque, et relativisée.

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Savant et autiste : un témoignage unique

Plon

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26 juillet 2013

Je vis avec L'autisme

C’est l’histoire, incroyable, d’un homme diplômé de Sciences Po, docteur en philosophie, qui parle de nombreuses langues, rédige des discours et donne des conférences dans le monde entier mais qui, parce qu’il est autiste, passe pour un benêt. Ou plutôt un demeuré. « Je dois l’avouer, dit-il, de l’avis de ceux qui me rencontrent pour la première fois, je suis idiot. Profondément idiot. On m’a dit que mon seul espoir en pareilles circonstances était de ne pas ouvrir la bouche, et d’espérer que l’autre remarque mon regard, qui, paraît- il, refléterait encore quelques traces d’activité neuronale intelligente. Car je parle en idiot. Trop lentement. Avec de forts accents étrangers... ».

Dans son livre, Josef Schovanec raconte notamment ses déboires douloureux de petit enfant tabassé dans la cour de récré, la panique qui l’étreint lorsque le téléphone sonne, son angoisse face aux changements pouvant survenir inopinément dans son quotidien, ses années sous neuroleptiques, anxiolytiques et antidépresseurs qui l’envoient dans les bras de Morphée « vingt-trois heures trente par jour », le rendent aphasique et lui font prendre une cinquantaine de kilos. Il parle aussi de sa passion pour les bibliothèques, la seule activité sociale qui, pendant des années, lui était accessible, de son amour pour les livres et de son intérêt pour les langues. Un témoignage fort, surprenant où l’humour, malgré la souffrance, est omniprésent.

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25 juillet 2013

Villa triste

C'était mon premier Modiano, son quatrième roman je crois. Au fil des années, j'ai lu ceux qui précédaient et les suivants, à la recherche de la sensation de la première lecture, qui m'a poursuivie longtemps.

Un voyage en Grèce. J'avais dix sept ans. Une petite terrasse surplombant la mer, la montagne, les maisons blanches et le ciel turquoise. Nous étions trois comme les personnages de " Villa triste ".  Comme eux, nous flottions entre abandon et lenteur, Je revois une tête sur une épaule, une main dans une chevelure emmêlée. Il faut se concentrer sur les photos pour reconnaître les visages.

Parce que nous lisions Modiano, nous savourions ces journées et aspirions à les fixer. Parce que nous lisions Modiano, nous les savions éphémères, comme notre jeunesse.

L'histoire se déroule le temps d'un été, dans une ville de villégiature, au bord d'un lac en Haute Savoie. Le narrateur avait notre âge. Douze ans après, il revient sur les lieux, marche à reculons, à l'aveugle, et tente de faire resurgir ce qu'il a oublié. Elle s'appelait Yvonne, (c'est si facile d'oublier l'état civil des gens qui ont le plus comptés), elle lui avait souri et il avait décidé que ce jour était le plus beau de sa vie, elle était actrice, un peu plus âgée que lui, toujours accompagnée par son ami d'enfance. De chambres d'hôtels aux salons des villas, des longues avenues aux rues tortueuses, qui mentait à qui ? Yvonne avait un accent mais d'où ? Les identités sont troubles, les existences auréolées de mystère. Le narrateur déambule comme dans un rêve, évitant les gestes trop brusques et les questions précises, pour ne pas se réveiller. Les noms et les lieux égrenés, sont des repères rassurants même si fantomatiques. Comme les parfums, celui du jasmin, ou des images devenues floues qui redeviennent nettes un instant. Des cheveux auburn, une robe verte et une écharpe qui vole.

Comme eux, nous n'aurions jamais dû nous séparer, une autre vie aurait pu commencer. Ces moments sont fixés et liés inexorablement aux pages de " Villa triste ": " Je me dis qu'elle vivait ce moment de la jeunesse où tout va bientôt basculer, où il va être un peu trop tard pour tout. Le bateau reste à quai, il suffit de traverser la passerelle, il reste quelques minutes… Une douce ankylose vous prend. "

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